Super 8

Super 8 c’est un peu le film que Spielberg aurait pu tourner, en 1982, à la place d’E.T. the Extra-Terrestrial. Même si J.J. Abrams, le créateur de Lost, est le scénariste et le réalisateur, la patte de Spielberg – ici producteur – est indéniable : même intérêt pour les ovnis, les histoires effrayantes, et les relations familiales si complexes qu’elles sont des équations à deux inconnues.
A l’aube des années 80, Joe Lamb, un ado (presque) boutonneux de 13 ans, apparaît au spectateur pour la première fois dans son costume noir, le jour de l’enterrement de sa mère, décédée dans un accident à l’usine où elle travaillait. Quelques mois plus tard, toujours secoué par le décès prématuré de sa mère et la difficulté de composer avec son père aka l’adjoint du shérif, Joe s’investit dans le film de zombies – low cost – de son ami Charles, que la bande d’ados tourne avec une caméra super 8. En plein tournage d’une séquence hautement sentimentale dans la microscopique gare de leur ville, Joe et ses amis assistent au déraillement d’un train de l’US Air Force, et, à ses conséquences presque cauchemardesques sur la population de la ville.
Pourquoi est-ce que Super 8 est un film qui transcende parfaitement le cinéma de Steven Spielberg et également celui des années 80 ? Déjà, parce que c’est un film qui travaille l’imaginaire, qui est construit comme une enquête sur un évènement spectaculaire – ici, le déraillement d’un train de l’US Air Force qui contient une cargaison plus que singulière – et surtout, parce que Super 8 dépeint la complexité que représente la compréhension interpersonnelle/intergénérationnelle. Dans les films de Spielberg, les enfants entrent en conflit avec leurs parents, justement à cause de cette incapacité de dialogue, de compréhension mutuelle. Et Super 8 n’échappe pas à la règle : la passion des jeunes pour le film de zombies n’est pas comprise par leurs parents, n’est pas appréciée. Cette idée de communication foireuse s’illustre également dans quelques séquences, mais cette fois-ci, de façon interne dans les deux groupes (jeunes et adultes). Cette toile de malentendus et de choses bizarres (qui sentent l’influence des films de Spielberg donc) prend place dans le film, qui, par sa trame et sa narration ressemble vraiment à un film des années 80, de façon globale : il s’agit d’un cinéma de divertissement, plutôt cocasse, et qui veut être inquiétant en même temps, mais qui détient une conclusion positive.
Quels sont les points forts et les points faibles de Super 8 ? D’emblée, il faut noter que le film est en fait un film « petit budget » pour Hollywood puisqu’il n’a coûté que 50 millions de dollars. 50 millions plus ou moins bien répartis, entre les effets spéciaux et le reste. Malheureusement, le premier point négatif de Super 8 concerne justement ces effets spéciaux : si certains sont sobres et passent plutôt sans encombres, d’autres rebutent par leur volonté farouche de faire du spectaculaire avec rien, et de façon ridicule/moche/pas crédible. Le meilleur exemple est la créature de Super 8 : conçue avec exagération comme le monstre de Cloverfield, au lieu de faire peur, elle semble simplement grotesque. A force de vouloir en faire trop, on fait mal (remarque valable également pour la séquence de l’explosion du train). Et les plus cyniques répliqueront que le pire, ce n’est pas les effets spéciaux, mais les bons sentiments dégoulinants entre certains protagonistes. Il est vrai que Super 8 contient une certaine sentimentalisation des relations, des intentions, mais comparé aux Goonies, par exemple, on a évité le pire.
D’un autre côté, ce qui est bien dans Super 8, c’est que ça nous rappelle notre propre adolescence : les premiers cris, l’impression que tout est possible, le désir de créer, de s’amuser – qui n’a jamais voulu faire un petit film fait maison à 13 ans ? -, les premiers balbutiements amoureux, et, bien entendu, la perception du monde désabusé des adultes. J.J. Abrams comprend bien les ados, les filme avec beaucoup de simplicité et sans vouloir en faire une tonne (comparé aux effets visuels désastreux). L’humour est également omniprésent, et pour le plus grand bonheur de tous. Le rythme est d’une façon générale constant, même si comme dit plus haut, les plus cyniques diront qu’il y a certains temps morts qu’on aurait pu éviter en ne donnant pas tant d’importance aux sentiments et à leur expression.
Super 8, en fin de compte, c’est le film que la génération des adultes nés dans les années 80 auraient adoré voir au cinéma à douze, treize, quatorze, quinze ans. L’avantage majeur de ce film, à la lueur de l’actualité cinématographique, c’est qu’il contraste clairement avec des niaiseries comme Twilight qui font passer le cinéma (et la littérature également) réservé aux adolescents pour une mascarade idiote et sans intérêt. Super 8 est un film bien foutu (malgré des effets spéciaux quelques fois bâclés), qui renoue avec des thèmes très « eighties », tourné à la mode « eighties » même, qui se regarde facilement, certes, mais qui rappellera de très bons souvenirs à tous les grands gosses qui ont grandi avec Indiana Jones, E.T., les Goonies, etc. Un pur moment de nostalgie.

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