Skyfall de Sam Mendes

Ce sacré James Bond. Il a à peine le temps de nous surprendre dans une démonstration de poker qu’il disparaît dans une fumée de vengeance. Certains diront qu’en 2006, avec Casino Royale, le plus célèbre espion au service de sa Majesté avait redoré son blason, avec brio, l’épisode surpassant de loin ce que nous avions l’habitude de voir avec Mister Bond. En revanche, en 2008, la réaction critique était plus froide quant à Quantum of Solace, pas pour un sou dans la veine des films noirs, et moins envoûtant, tout simplement. Et pourtant, tout ce que Bond voulait, c’ était un peu de réconfort. Il fallait donc mettre les bouchées doubles pour Skyfall, le film qui sortirait pour le cinquantième anniversaire des aventures cinématographiques  de cette franchise. C’est pourquoi les studios nous ont sorti de leur chapeau magique l’excellentissime Sam Mendes, un réalisateur chevronné, récompensé, un « vrai » réalisateur comme certains (mesquins) ont dit. En plus de Sam Mendes, une belle révision du scénario, et pour la chanson du film, la voix grandiose d’Adele, pour un morceau aussi emblématique que The World is not Enough, License to Kill ou GoldenEye. Skyfall, un gigantesque coup de maître, pour redonner envie au public d’aller voir l’espion anglais (qui m’aimait).

Parce que si c’était un peu le coup de la dernière chance sur certains aspects du film, c’était également la dernière chance – tout court – pour James Bond : la dernière chance de se prouver véritable espion, véritable champion. Affublé d’un visage fermé, imbibé d’alcool comme un polonais, ce bon vieux Bond n’est que l’ombre de lui-même : son heure de gloire passée, sa jeunesse définitivement oubliée, et ses capacités diminuées, il est victime du temps qui passe, des machiavéliques qui deviennent franchement trop rusés . C’est donc dans une position de faiblesse qu’il occupe l’écran, coupé de tous ses privilèges passés, et, l’espion, alors,  nous apparaît alors dans toute sa fragilité, dans toute sa complexité. Jamais le personnage de James Bond n’aura autant regorgé de conflits internes, de nuances, d’intérêt. Au pied du mur, Bond devra se surpasser, traverser les souterrains londoniens pour aller au plus loin, au plus loin de lui-même, ou peut-être finalement, au plus proche.

Bond, le stylé. Même avec la tronche cabossée, les côtes cassées, la volonté est toujours plus présente et forte. Et il se veut stylé, jusqu’au bout de la pellicule, de gros plan en plan rapproché, de cascade en revolver, de voiture en scène de drague. Le style James Bond ne mourra jamais, même si l’annonce la chanson d’Adele avec son entêtant« this is the end». Et ce style irrévérencieux de l’agent secret est tellement bien mis en valeur par la photographie classieuse de Roger Deakins, un habitué des frères Coen qui s’est particulièrement illustré sur le chef d’œuvre qu’était The Assassination of Jesse James by the Coward Robert Ford. La réalisation est également épique : les plans sont soignés, en parfaite adéquation avec la photographie du film qui sublime le tout. Si tout transpire la recherche styllistique, que dire de Javier Bardem ? Un vieux de la vieille, qui connaît les rouages, en abuse, mais surtout, un obsessionnel quelque peu sadique et dépourvu de tout sentiment. Une sorte d’alter égo de Bond, une autre version du héros lui-même, ce que le protagoniste pourrait être, s’il le voulait, s’il se laissait aller.

Skyfall, la rencontre entre le passé et le présent, le lieu du doute désorganisé, des choix cruciaux et funestes à faire. Une réussite scénaristique, visuelle, musicale. Mais aussi, une belle occasion pour Daniel Craig de prouver qu’il est définitivement le meilleur James Bond.

A propos Sophie

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